Jeudi 26 novembre 2009 à 20 heures a été inaugurée à l’Institut français de Valencia, l’exposition Courbet, une vision de la nature, exposition qui présente les collections de l’Institut Courbet ainsi que 4 autres expositions, celles de deux jeunes photographes Geoffroy Mathieu et Red Caballo, celle d’une importante collection de buvards ainsi qu’une oeuvre du grapheur Nacho en hommage à Courbet.

Nous vous livrons ci-après le discours d’inauguration de Pascal Letellier, Directeur de l’Institut français de Valencia :

« Ce jour est important. C’est un tour de célébration. C’est pourquoi j’ai écrit ce petit discours sur du papier. Je vous remercie d’être venus nombreux. C’est bien sûr la peinture et l’art que nous célébrons ce soir mais aussi l’engagement, le flux des images et des mots. L’histoire.

Il y a quelques années un jeune photographe marseillais passait par Valence. Il avait une exposition ici dans ce bâtiment mais son projet était de faire le tour de la Mare nostrum et de prendre des images de villes sur le pourtour. Alger, Beyrouth, Gênes… Dans son périple, Geoffroy Matthieu (il s’agit bien de lui) vit bien que les grands ports méditerranéens avaient quelque chose en commun et que bien souvent les villes qui les portaient tournaient le dos à la mer.Ça a donné le thème de ces projections qui vont animer une sorte de tente grise et noire comme celle des nomades… Nomade aussi ce Red Caballo qui nous conduit dans une dérive européenne… María Cavaller et Marc Roig ont croisé leurs itinéraires. Les nomades catalans ont gardé des images, des visages, des gestes. Les photos qu’ils exposent montrent une Europe en construction comme une tour de Babel contemporaine. L’un des plus grands projets de l’histoire!

Je suis content de donner à voir ces regards mixtes et actuels, surtout au moment où on présente en bas des œuvres de Courbet. A propos de nomadisme, le Maître peintre d’Ornans compte bien parmi les peintres du voyage et les artistes colporteurs. Je pense à ce tableau étrange que Gustave Courbet à peint lors de son séjour à Montpellier. Le riche collectionneur et bourgeois esthète Alfred Bruyas l’avait invité à découvrir la lumière méditerranéenne et le peintre avait représenté sa rencontre avec son ami dans les faubourgs de Montpellier. Bonjour, Monsieur Courbet disait Bruyas au peintre paysan. J’ai envie de dire ‘Bonjour Monsieur Courbet en accueillant ce soir Jean-Jacques Fernier, maître conservateur. L’histoire des Fernier (le père de Jean-Jacques était peintre lui-même, natif de Pontarlier et voyageur comme Gauguin jusqu’en Polynésie) remonte à l’époque où Juliette, la sœur de Courbet essayait de réhabiliter la mémoire de son frère banni, maudit, exilé et mort de désespoir dans une chambre en Suisse… Le premier catalogue raisonné de l’oeuvre de Courbet, c’est Robert Fernier qui l’a initié, le premier musée Gustave Courbet c’est Jean-Jacques qui l’a créé dans la maison natal du peintre, à Ornans sur la rive de la Loue pour conserver les œuvres du peintre, patiemment collectées par son père puis par lui-même.

Ce musée a été offert à l’État qui en a confié la gestion au Département du Doubs. Jean-Jacques en fut le conservateur pendant des années. L’association des amis de Courbet a continué son travail au service de la mémoire du peintre d’Ornans au sein de l’Institut Courbet. C’est cet institut qui pour la première fois a transporté une partie de ses trésors pour nous faire l’honneur de réalisé – à notre échelle – cette première exposition Gustave Courbet en Espagne… Mais toute cette histoire, toute cette aventure picaresque qui courre et couvre tout le vingtième siècle, Jean-Jacques Fernier (expert officiel de l’œuvre du maître Réaliste) viendra nous la raconter vendredi dans une conférence illustrée.

Ce que l’on montre ici ce soir, de bien des manières ce sont des récits d’aventures, des récits de vie et dans une certaine mesure l’exposition présentée sur les murs de l’Atmosphère et dans la Salle de lecture de la Médiathèque en est une aussi. Pensez donc: Nadine Llombart, Consul honoraire de France à Valence nous a confié un jour une boîte de chaussures… Une simple boite en carton dans laquelle elle conservait depuis son enfance une incroyable collection de buvards. Ces buvards porteurs de réclame que les écoliers autrefois rangeaient dans leur cartable pour s’en servir à l’école pour sécher l’écriture à la plume Sergent-Major et à l’encre violette des petits encriers de céramique inscrits dans les tables d’école. Ces réclame sont des souvenirs perdus : Monsavon, les chocolats Meunier, les Entremets FrancoRusse… Toutes ces marques oubliées, perdus dans la mémoire ressortent ici et ces simples buvards ne sont pas seulement le témoignage de l’époque de l’Après-guerre, mais aussi de vrais poèmes visuels, le témoignage d’un style, d’un art de vivre, d’une certaine insouciance avant l’apparition de la Société de consommation. Merci et bravo, Nadine pour cette idée, pour ce petit trésor familier… C’est une collection rare et romantique qui parle de notre pays et de l’école publique!

Voilà. Je crois que j’ai décrit ces expositions en tentant de donner une cohérence à tout cet accrochage qui rempli l’Institut français. En fait, de cohérence il n’y a pas. Tout vient un peu par hasard comme des situations, des propositions qu’il s’agit ensuite de mettre en Correspondance, comme dirait Baudelaire, l’ami de Gustave pour qu’elles se fassent écho.

Gustave Courbet fut tour à tour le peintre le plus célèbre, l’un des plus cotés de son temps et un artiste maudit, banni, condamné à l’exil. Il fut tour à tour un peintre paysan et le plus parisien des artistes de son temps, un peintre mondain et un artiste révolutionnaire, ami de Proudhon et des Communards dont il fit partie. Notre ami Nacho, peintre Callejero auquel nous faisons un clin d’oeil dans la couverture de notre programme de janvier dernier rend un peu hommage à Courbet dans le mural qu’on inaugure aussi ce soir. Ce jeune homme qui lance un cocktail Molotov est un danseur et son geste est une chorégraphie gracieuse. Il nous dit la frontière qui existe entre la rue et l’Institution, il nous parle de transposition, de récupération, de transfiguration mais il nous parle aussi de transgression, voire de subversion. Une des plus belles peintures française est une toile de Delacroix décrivant la République sous les traits d’une femme nue franchissant une barricade entre les baïonnettes un drapeau déchiré à la main. Quand on pense à Courbet on pense à la transgression, à l’audace de l’Origine du monde et de bien d’autres tableaux. Le réalisme en peintre ne craignait pas de dire les choses avec une vérité criante, insoutenable parfois. La République de Delacroix est au Louvre ou au musée d’Orsay. Je suis porté à croire qu’il y a là une sorte de modèle français pour un art engagé, une peinture d’histoire, un arrêt qui fait que la vie devrait être bien plus intéressante que l’art. »

Pascal Letellier, Directeur de l’Institut français de Valencia

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