« Un jour, vint un homme qui affirma : « Je ne veux pas peindre des
anges, parce que je n’en ai jamais vu. » C’était Courbet. Il préférait
représenter deux jeunes filles étendues sur les berges de la Seine.
Il emmena ses modèles en plein air et les peignit. […] Courbet a
tourné une page et lancé la peinture vers cette nouvelle direction
qu’elle suivit pendant des années. »
Pablo Picasso
Dans ce témoignage à Françoise Gilot, sa compagne d’alors, Pablo Picasso attribue à Gustave Courbet la paternité de l’art moderne et du mouvement qui aurait radicalement bouleversé les codes de la représentation, de
l’impressionnisme jusqu’au cubisme et ses suites. Cette place majeure interroge, tant Courbet reste une figure peu étudiée du Panthéon personnel de Picasso. Pourtant, le jeune peintre catalan découvre tôt la peinture du maître d’Ornans, dès son arrivée à Paris en octobre 1900, à l’occasion de l’Exposition centennale de l’art français lors de l’Exposition universelle. Courbet s’immisce par la suite chez Picasso doublement à la fin des années 40, par la réinterprétation des Demoiselles des bords de la Seine, ainsi que par l’achat pour sa collection personnelle de l’étonnante Tête de chamois, bête à cornes rappelant le bestiaire picassien.
Les liens entre ces deux figures révolutionnaires de l’art apparaissent étroits et féconds. Courbet et Picasso se rejoignent, en particulier dans leur rapport au passé comme source de la modernité, dans leur sensibilité à leur temps et leur engagement politique, ou encore dans leur réflexion commune autour du nu féminin comme vecteur de leur révolution picturale.
Grâce aux prêts du Petit-Palais de Paris et du Kunstmuseum Basel, l’exposition réunira les deux versions des Demoiselles des bords de la Seine, l’originale de Courbet et la « réécriture » de Picasso, permettant de réinterroger ce dialogue de peintre à peintre. Cette rencontre inédite vise, au-delà de la filiation réelle entre ces deux créateurs, indépendants d’esprit, à mettre en lumière ce compagnonnage.
L’exposition Courbet-Picasso, révolutions !, dont le commissariat scientifique est assuré par l’historien de l’art Thierry Savatier, réunit plus d’une soixantaine d’œuvres des deux artistes (huile sur toile, arts graphiques, lithographies, gravures, ouvrages et moulages), prêts de grandes institutions, l’Etablissement public du Musée d’Orsay et de l’Orangerie de Paris, des Musées Picasso de Paris et de Barcelone, ainsi que celui du Petit-Palais (Paris) et du Kunstmuseum Basel.
L’exposition est accompagnée d’une publication richement illustrée, bénéficiant des essais de Stéphane Guégan, conservateur du Musée d’Orsay, Yves Sarfati, psychanalyste, Thierry Savatier, historien de l’art et commissaire scientifique de l’exposition et Thomas Schlesser, directeur de la Fondation Hartung-Bergman.
Dans le cadre de cette exposition exceptionnelle, l’Institut Gustave Courbet a prêté au Musée d’Ornans la très belle sculpture de la Dame à la mouette réalisée par Gustave Courbet alors qu’il était en exil en Suisse ainsi que les échanges de correspondances entre George Besson à Kahnweiler, marchand de Picasso au sujet du soutien demandé à Picasso en vue de l’acquisition de la Maison natale de Gustave Courbet à Ornans. Un article de Carine Joly, Conservateur de l’Institut, détaille cette correspondance à la lueur des découvertes récentes faites par Thierry Savatier, commissaire scientifique de l’exposition. Nous reviendrons sur ce sujet dans un prochain article.
Renseignements : Accueil – Musée Courbet (musee-courbet.fr)