Victime des profonds bouleversements que traverse la Russie à partir de 1917, Nicolas de Staël âgé de cinq ans, connaît en 1919, avec sa famille les affres douloureuses de l’exil en Pologne. En l’espace d’à peine une année, en 1921 et 22, le jeune Nicolas perd ses parents. Les trois orphelins sont confiés à une famille russe de Bruxelles, les Fricero, riches et hospitaliers. A dix ans, il entre chez les Jésuites et à partir de seize ans, se passionne déjà pour la peinture qu’il pratique. A partir de 1933 à 1936, il suit les cours de l’Académie royale des Beaux-Arts et celle de l’Académie Saint-Gilles, il s’initie au dessin antique, et ponctue ses études de voyages en Hollande, en Espagne et au Maroc. En 1937, il rencontre une jeune femme peintre, Jeannine Guillou qui deviendra sa femme. L’année suivante, avec Jeannine, Nicolas parcourt l’Italie, s’enthousiasme pour les primitifs, mais reconnaît, que les vieux Flamands et les Hollandais « sont plus proches de son cœur ». A Paris, il travaille en 1938 trois semaines dans l’atelier de Léger.
La guerre éclate, et le page du Tsar, Nicolas de Staël, s’engage dans la Légion étrangère, courte aventure car il est démobilisé en 40 et rejoint Jeannine à Nice. C’est dans cette ville que naît Anne, en 1942. C’est précisément cette année là que Staël, commence réellement à peindre des œuvres qui ne rappellent en rien les dessins des débuts. Orienté par Magnelli, Arp ou Le Corbusier, Staël peint ses premières toiles non figuratives, œuvres atypiques, géométriques, des formes qui s’entrecroisent, des griffures et des hachures qui animent la surface, dans des tons plutôt sombres. L’important, c’est un style qui se précise. Il intéresse la galeriste Jeanne Bucher qui accroche en 1944 à ses cimaises des peintures et des dessins de Staël entre Magnelli et Kandinsky. A cette époque le peintre vit avec sa famille à Paris, gagne l’amitié de Braque et expose pour la première fois seul à la galerie l’Esquisse.
Mais le couple Staël, vit dans une pauvreté qu’accentue l’occupation. Les acheteurs sont rares, la famille souffre du froid et de la faim qui ne sont pas étrangers à la mort de Jeannine en 1946. Cette disparition le fait orphelin pour la deuxième fois.
Sa peinture jusque là s’exprime avec des traits violents, souvent noirs, l’abstraction se révèle profonde, l’intensité du geste est palpable, témoin d’un tempérament excessif.
A partir de 1947, la palette s’éclaircit, et on assiste à une évolution sûre, favorisée par son mariage avec Françoise Chapouton, qui lui donne trois enfants, et son installation dans un atelier spacieux rue Gauguet. Les soucis matériels s’éloignent et des séjours à la montagne lui inspirent des lumières nouvelles. Apparaissent dès 1950 des formats plus grands, une matière généreuse souvent appliquée au couteau, d’où jaillissent des jaunes éclatants et des rouges vifs. La réussite de Staël à cette époque s’inscrit dans la reconnaissance de l’abstraction, la fureur de quelques attardés se tarit. Mais Staël, continue à proclamer : « Toujours, il y a un sujet, toujours… ». Les grands plans juxtaposés s’imbriquent les uns dans les autres, mais l’inspiration reste le motif : les arbres deviennent des verticales, les massifs des courbes, Staël pose son œil inspiré sur la nature.
Les grandes expositions se succèdent à New York, Paris et Londres. Il entre au Musée d’art moderne et dans les collections anglaises et américaines. Le 26 mars 1952, Nicolas assiste au match France-Suède en nocturne au Parc des Princes. Peintre jusqu’au bout du pinceau, il déclare : « Entre ciel et terre sur l’herbe rouge ou bleue, une tonne de muscles voltige en plein oubli de soi…Alors j’ai mis en chantier toute l’équipe de France… » Suivent vingt-quatre tableaux où le peintre explore toutes les possibilités révélées lors de ce fameux match dont « Les Footballeurs » de 1952 de la Fondation Pierre Gianadda.
Le bleu outremer et le rouge de cadmium s’entrechoquent, rythment la rencontre, le blanc calme et harmonise la violence des contrastes ou verticales et horizontales s’affrontent.
En 1953, Staël achète le Castellet à Ménerbes, ancienne maison fortifiée, et y réside jusqu’en septembre 1954 où il s’installe à Antibes. Sa technique se modifie, sa matière devient plus fluide. Les Nus le préoccupent et semblent hanter son univers pictural. Aux couleurs stridentes répondent des bleus calmes qui ont la couleur de l’azur. La figuration se fait plus palpable. Comme surgi de la terre avec une puissance chtonienne, « Nu couché bleu, 1955 » appartient par certains côtés encore à l’abstraction mais rejoint malgré tout la figuration. Confrontation abstraction-figuration, Staël a porté en lui cette contradiction jusqu’au vertige dans une aventure dont l’œuvre sort vainqueur et le peintre anéanti. Nicolas de Staël se donne la mort le 16 mars 1955 à Antibes. Il avait écrit à sa sœur religieuse « Dieu que c’est difficile la vie ! Il faut jouer toutes les notes, les jouer bien… »
Antoinette de Wolff-Simonetta.
La rétrospective de la Fondation Pierre Gianadda réunit les principaux chefs-d’œuvre de Nicolas de staël, en provenance des plus grandes collections publiques et privées d’Europe et des Etats-Unis (notamment : Centre Georges Pompidou, Paris ; Henie-Onsad Art Centre, Norvège ; Kunsthaus, Zurich ; Kunstmuseum, Berne ; The Phillips Collection, Washington) et de la famille de l’artiste. Le commissariatde l’exposition est assuré par M. Jean-Louis Prat.
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