Dans le cadre de l’exposition « Devenir Courbet », des recherches ont été menées dans les dossiers d’inspections des professeurs de Gustave Courbet au collège royal de Besançon par Viviane Alix-Leborgne, docteure en Lettres et membre de la Commission scientifique de l’Institut Gustave Courbet.
Ces dossiers se trouvent conservés aux Archives départementales du Doubs à Besançon et aux Archives nationales à Paris. Des découvertes importantes ont été faites permettant de mettre en correspondance les commentaires des inspecteurs avec ce que dit Gustave Courbet de ses professeurs.
A lire dans le Cahier n°2 de l’Institut Gustave Courbet « La jeunesse de Gustave Courbet ».
Nous vous livrons ci-après un extrait de l’essai de Viviane Alix-Leborgne consacré à la « La scolarité de Gustave Courbet au collège royal de Besançon »
Pierre-François Delly (1791-1841) est le professeur de mathématiques de Gustave Courbet au collège royal de Besançon.
« Pour un collégien en fin d’études, la philosophie étant une discipline nouvelle, les acquisitions nécessaires pour l’aborder comprennent l’aptitude à raisonner, rédiger et exposer l’histoire et les théories de cette matière. Les mathématiques demandent, elles, un acquis étendu, varié et rigoureux. Or, selon lui-même, Courbet ne possède rien de ce qui est imposé. Il renseigne ses parents sur sa “dégringolade”, protestant contre le “cours de mathématiques que professe M. Delly auquel je ne comprends rien du tout car ils sont déjà très avancés” [1]

D’après un portrait peint par Charpentier, Portrait de P.F. Delly, Lithographie, Bibliothèque municipale de Besançon (EST.FC1651)
A quelques jours de là, Gustave se répète et poursuit : “Je ne puis pas suivre le cours de mathématique de M. Delly car il est déjà très avancé et je ne puis plus le rattraper” [2]. A la fin du mois suivant, en décembre 1837, il déclare définitivement : “Je n’ai pu me mettre au courant”, et quitte cette classe après deux mois d’enseignement. Il ajoute : “je suis allé trouver M. le proviseur qui m’a dit qu’il allait vous avertir” [3]. La réponse à cette démarche se trouve dans le bulletin trimestriel du 15 janvier 1838, où il est mentionné : “suit maintenant un cours plus à sa portée”, preuve que, entre les deux dates, une solution a été trouvée.
Dire que le cours “est très avancé” ajoute, en effet, à la confusion du jeune homme, car c’est bien l’observation que fait l’Inspection générale pour ce professeur, par ailleurs reconnu, dès 1825, comme “un talent distingué, obtenant beaucoup de succès” [4], notamment dans les classes préparatoires, essentiellement pour Polytechnique. En 1838 encore, il “ expose son idée d’une façon fort claire et les résultats qu’il obtient sont satisfaisants” [5]. Mais en 1840, on remarque son habitude à “parcourir tout l’exigé dans le premier trimestre pour répéter ensuite, et revenir sur les détails”, ce qui était manifestement “trop rapide pour les élèves nouveaux” [6]… et pour Courbet, particulièrement. Dans le même temps, les différents rapports insistent sur un fait que Courbet ne pouvait ignorer, et qu’il passe sous silence dans les lettres disponibles. On parle en effet, “d’apoplexie”, de “congestion cérébrale”, et enfin de la véritable raison d’un état de santé déficient, qui se révèle être “des défauts d’intempérance”, au point qu’une enquête est diligentée par l’administration, à la suite de laquelle l’enseignant a semblé s’amender. Toutefois, à la date du 9 septembre 1838, il est encore indiqué que “sa conduite est comme sa santé, irréprochable le matin” [7]. Dans les faits, le professeur n’a pu se guérir et meurt dans la nuit du 6 au 7 novembre 1841, officiellement d’une attaque d’apoplexie, comme l’écrit Louis Pasteur à ses parents [8], tandis que l’abbé Dartois note dans un manuscrit conservé aux archives historiques de l’Archevêché de Besançon, qu’il “est mort hors de sa maison, victime de la malheureuse passion pour le vin”, peut-être dans quelque caniveau, est-il suggéré. »
[1] Delly, Pierre-François, 1791-1841, Chu, Corr. 37-1, p. 17.
[2] Chu, Corr., 37-2, p. 19.
[3] Ibid., 37-7, p. 23.
[4] AN, F17 7724.
[5] Ibid., 9 septembre 1838.
[6] AN F17 7725.
[7] AN F17 7724.
[8] Lettre de Pasteur à ses parents, 7 novembre 1841, citée par Richard Moreau, Louis Pasteur, De Besançon à Paris, L’Envol, Paris, L’Harmattan, 2003, p. 89.